Over / about
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Exhumations exquisesÀ l’inverse de l’ange Gabriel qui annonce à la vierge Marie sa conception miraculeuse, MarieAnge s’interroge et prend le temps à témoin pour répondre aux questions. Elle est l’ombre de Marie puisqu’elle est Marie. L’ange la suit et garde ses secrets qu’il ne transmet qu’en cryptogrammes. Ils sont les traces de son passage dans les paradis et les enfers. MarieAnge les enfile dans des mémoires explorées dans « Neurology ’ , un livre scientifique publié en 1940 par Kinnier et Wilson. Les vivants du monde, rescapés du désastre, portent les stigmates d’un état morbide, de dérives mentales. MarieAnge les baigne dans des élixirs de vents parégoriques. Elle rend les visages et les corps transparents et les promène dans un sanctuaire oublié des hommes. Elle leur donne des sons aux lèvres et les habille de lumière qui, sous verre, les font briller tous seuls. À Cadillac en Gironde, ville asilaire vieille de deux siècles, reposent près de quatre mille malades mentaux dans un cimetière en déshérence, le cimetière de l’hôpital où les morts étaient mis en pleine terre dans des trous peu profonds. Les croix, courbées par le temps, sont rouillées, plantées chacune dans un socle en béton, posé à même le sol caillouteux où traînent des fleurs aux couleurs délavées. La folie et la mort intéressent peu de monde. MarieAnge les extirpe des abîmes, les ranime et leur ouvre des nouveaux refuges. Elle donne des jeux aux fous et remplace la mort par la vie. Le monde a commencé sans l’homme et s’achèvera sans lui. Entre les deux, elle déchiffre le solfège des esprits tordus. Elle leur offre des billes, leur en met plein la tête. Elle les entoure de reliques, d’amulettes et de mascottes dans une nébuleuse de songes. Ici et là sont déposés dans le désordre des restes de poupées ( corps), une bouche qui porte un miroir (reflet), le mécanisme d’une montre (temps), des objets d’introspection (mémoire) . La machine à coudre, dans le double sens de sewing-machine, trace des lignes anaglyptiques sur les corps et les visages tirés des oubliettes et transformés par l’artiste dans une inexorable fuite du temps. Les visages et les corps sont nulle part, mais, dans ses œuvres, MarieAnge leur a donné une présence à la fois improbable et irréversible. Les broderies sur le corps font partie d’une correspondance intime avec l’image : des lettres d’amour et de rupture, de vérité et de mensonge, de tendresse et de violence. Piquées recto verso par l’aiguille de la machine, les mêmes broderies se retrouvent au dos de l’image, complètement nues et livrées à elles-mêmes. On dirait un travail de couturière sur la peau, les traits d’un crayon sur une feuille de papier. Ils font penser aux dessins de MarieAnge, mais ici ils ne renvoient qu’à leurs propres traits de broderie. Ils tournent le dos au face à face. L’œuvre de MarieAnge est ce face à face, dans une giration de corps, défaits ou contrefaits, perturbés dans l’évidence. |